Comment gérer ses émotions quand on est soignant ?

Être soignant est une vocation noble et exigeante qui demande une forte implication sur le plan humain. Au quotidien, un professionnel de la santé est souvent confronté à une multitude d’émotions ténues ou puissantes qui sont des signaux face auxquelles une vigilance est à avoir. Comment gérer ses émotions quand on est soignant ? De quelle façon les reconnaître, les accueillir et éviter de les laisser nous envahir ? Voici quelques pistes pour cultiver une gestion émotionnelle équilibrée et épanouissante dans votre pratique professionnelle, pour votre plus grand bénéfice et celui des patients !

Pourquoi est-il important d’apprendre à gérer ses émotions en tant que soignant ?

Le métier du soin va parfois générer des émotions parce que l’on touche à la vie humaine, à la fragilité, à la maladie et à la souffrance. Cela peut faire écho à ce que nous vivons nous-même dans notre vie personnelle ou d’équipe. Apprendre à gérer ses propres émotions permettra d’avoir une disponibilité plus empathique au patient.  

Il est essentiel à la fois de ne pas banaliser nos émotions et en même temps de ne pas se laisser submerger par elles. Ressentir des émotions n’est pas toujours agréable. Parfois, elles sont si intenses qu’il est difficile de les canaliser.

On peut se laisser dominer par elles en laissant apparaitre des vulnérabilités qu’il n’est pas aisé d’assumer ou de laisser voir à ses collègues. Personne ne ressent les situations de la même manière. Apprendre à gérer ses émotions quand on est soignant est essentiel pour travailler avec plus de sérénité. Il ne s’agit pas de refouler ou de nier ce que l’on ressent mais d’acquérir une intelligence émotionnelle qui empêche un débordement. Une bonne gestion des émotions contribue ainsi à une meilleure qualité des soins (plus de rationalité, de concentration et d’empathie), une réduction des erreurs médicales, prévient le burn out ou l’épuisement et contribue à une meilleure qualité de vie au travail.  


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5 étapes pour mieux gérer ses émotions et reprendre le contrôle

Face à une émotion, que faire ?

1. L’accueillir tel que je la ressens, ne pas la refouler, la nier ou la banaliser.

Il est essentiel de reconnaître et d’accepter l’émotion telle qu’elle se présente, sans jugement. Refouler ou nier une émotion peut souvent intensifier son impact émotionnel, conduisant à une plus grande tension interne. Au lieu de cela, en acceptant et en validant ce que vous ressentez, vous pouvez créer un espace pour comprendre pourquoi cette émotion a surgi et comment vous pouvez y faire face de manière constructive.

2. La nommer pour pouvoir l’extérioriser, l’évacuer.

Nommer l’émotion, que ce soit en parlant à haute voix ou en l’écrivant, peut être une étape libératrice. En extériorisant l’émotion, vous la séparez de vous-même, ce qui peut aider à réduire son intensité. De plus, nommer l’émotion avec précision peut contribuer à une meilleure connaissance de soi et communication avec les autres, permettant ainsi de solliciter le soutien dont vous pourriez avoir besoin.

3. La comprendre : ce qu’elle exprime, le manque qu’elle manifeste.

Chaque émotion a une signification sous-jacente. Par exemple, la tristesse peut révéler un sentiment de perte ou de déception, tandis que la colère indique un manque de justice, de respect des valeurs et la peur indique un manque de sécurité. En explorant ce que l’émotion exprime, vous pouvez découvrir les besoins émotionnels qui ne sont peut-être pas satisfaits, offrant ainsi des pistes pour y répondre de manière constructive.

4. Mettre en place des actions concrètes.

C’est une étape clé pour gérer l’émotion. Par exemple solliciter un rendez-vous avec la cadre sur l’organisation du service qui parait injuste pour diminuer sa colère, demander l’avis d’un collègue sur un soin dont je ne suis pas sûr pour avoir moins peur, confier à un(e) ami(e) soignant(e) ce qui m’affecte dans la situation de ce patient pour être moins seul avec sa tristesse.

5. Réfléchir à une stratégie pour anticiper les émotions à venir.

Il sera peut-être nécessaire de réfléchir à la manière dont vous pourrez aborder vos émotions à l’avenir en vous connaissant mieux, en développant des stratégies de gestion du stress, des techniques de relaxation ou même vous engager dans des activités qui favorisent votre bien-être émotionnel, etc.


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4 émotions que les soignants doivent maitriser

Chaque jour, le soignant fait face aux différentes émotions des patients. De chambre en chambre, c’est tout un univers nouveau qui s’ouvre et face auquel le soignant a à s’adapter en faisant attention de ne pas confondre les émotions du patient avec ses propres émotions. 

On peut lister 4 émotions principales du soignant que sont la colère, la tristesse, la joie et la peur mais il existe aussi des sentiments rattachés à ces émotions tels que le dégout, l’attachement, le stress, l’impuissance, la jalousie, l’amour, la haine, etc. 

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La colère :

Claire travaille comme infirmière en cancérologie dans un hôpital de jour. Elle sent monter en elle régulièrement de la colère devant la charge de travail quotidienne et a l’impression de faire un travail à la chaîne. Cette colère s’exprime par de l’énervement, de la tension et se répercute parfois sur ses collègues. Elle se sent surmenée par l’activité et a l’impression qu’elle est le jouet de la rentabilité. Elle a du mal à mettre de côté cette colère qui impacte la qualité de ses prises en charge.
Les causes de la colère peuvent être variées. La colère peut naître comme dans le cas de Claire de l’organisation mise en place par sa cadre ou plus généralement de la politique de l’hôpital où elle travaille ou comme dans d’autres cas, d’un manque d’effectifs ou d’un désaccord avec une décision médicale, d’une frustration comme celle de ne pas avoir pris assez de temps avec tel patient ou d’un manque de considération, d’une injustice subie, d’un mensonge, etc. La colère peut aussi cacher un sentiment de honte. La honte est une colère qui ne peut pas s’exprimer et qui va se retourner contre soi du type « Ce n’était pas l’image que je voulais donner de moi ». La honte peut empêcher de voir les talents que l’on possède. Elle exprime un besoin d’estimer son travail et d’apprendre à le valoriser.  
Les conséquences de la colère :
La colère peut altérer le jugement médical, réduire la capacité d’empathie envers les patients et compliquer la communication avec les collègues, voire avec les patients. Cela peut générer des conflits d’équipe (lien vers article sur les conflits d’équipe), de la culpabilité (cf article sur la culpabilité), du stress, des comportements violents (violence verbale ou physique). Cette colère débordante peut atteindre le patient également et générer des réactions en chaine.
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La peur :

Paul est un jeune infirmier et travaille en réanimation depuis un an. Chaque jour il est anxieux d’aller à son travail. Il a peur de faire une erreur. Il est passionné par cette spécialité. Cependant, tous les soirs il se remémore sa journée pour être sûr qu’il n’a rien oublié. Son travail envahit sa vie personnelle.  (cf article sur l’équilibre vie pro et perso)
Les causes de la peur :
La peur nait comme Paul d’un stress de se tromper. C’est aussi l’inquiétude d’un soin à réaliser, l’appréhension de l’absence d’un collègue, le stress de l’infirmière libérale de ne pas établir correctement une cotation de soins, de l’étudiante qui fait son premier prélèvement, la panique face à une urgence vitale ou l’angoisse face à la mort, etc

Les conséquences de la peur :

La peur peut conduire à l’évitement de certaines situations médicales complexes ou stressantes, limitant ainsi l’efficacité des soins prodigués. Cette émotion peut créer une rupture dans la communication avec les patients et les membres de l’équipe pouvant entraîner des malentendus et des erreurs de coordination etc. La peur peut générer également une forme d’agressivité ou de sidération selon les tempéraments.

 

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La tristesse :

Maud se questionne sur son avenir professionnel de kinésithérapeute. Elle est déçue par son encadrement et a des attentes professionnelles qui ne sont pas satisfaites. Elle est découragée et se demande si elle ne va pas arrêter de travailler.

Les causes de la tristesse :
Comme Maud, la tristesse peut venir d’une déception ou d’une désillusion face à sa profession. Cela peut naitre aussi d’un diagnostic défavorable d’un patient, d’un décès (cf article sur la mort), du départ d’une collègue, d’une bonne ambiance d’équipe passée ou d’une incompréhension de mon équipe face à mes convictions.
Les conséquences de la tristesse :
La tristesse peut conduire à l’isolement, au repli sur soi et potentiellement à une dégradation de la communication avec l’équipe. Elle peut aussi conduire à un mal-être (cf article sur le mal-être). Elle peut être responsable d’erreurs médicales ou de manque de concentration. Elle peut nuire à la qualité des soins et de la relation au patient.   
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La joie :

Olivier est médecin en neurologie et se sent épanoui dans son service. Il est satisfait de son travail et après plusieurs années de tâtonnements, sent qu’il a trouvé son équilibre pour pouvoir être à l’aise dans sa spécialité. Il est heureux d’aller à son travail le matin et est serein dans son exercice. Ce qui n’a pas toujours été le cas.
Les causes de la joie:
Comme Olivier, le bien-être au travail peut se manifester par de la joie ou un sentiment de sérénité, de satisfaction ou d’enthousiasme. La joie peut aussi naitre d’une prise en charge réussie, d’un travail en équipe de qualité, d’un rétablissement inattendu d’un patient, d’un conflit résolu ou d’une satisfaction personnelle (j’ai réussi à gérer telle urgence ou tel soin qui m’angoissait).
Les conséquences de la joie :
Cette émotion est à garder en mémoire afin de pouvoir la reproduire et m’en souvenir quand les heures de tristesse, de colère ou de peur viennent. Elle est contagieuse et se partage, créant de la positivité collective. C’est tout un art de la cultiver.

4 questions à se poser pour reprendre les rênes :  

  1. Comment je me sens ? Comment l’émotion que je ressens s’exprime en moi ? Sa ou ses manifestations corporelles, verbales.

  2. Pourquoi je me sens comme cela et à cause de quoi ? Comment cette émotion est-elle apparue ?
  3. De quoi ai-je besoin ?
  4. Que puis-je mettre en place ici et maintenant ?

L’importance de la gestion émotionnelle 

La gestion émotionnelle revêt une importance capitale pour fournir des soins de qualité tout en préservant son bien-être personnel. Elle contribue au bien-être général du soignant. Le stress émotionnel constant peut conduire à l’épuisement professionnel et à la détresse psychologique.

La gestion émotionnelle permet de préserver une communication efficace avec les patients et leurs proches. Les émotions peuvent influencer la manière dont les soignants communiquent, et une mauvaise gestion peut entraîner des incompréhensions ou un manque d’empathie. En apprenant à intégrer leurs émotions pour mieux les gérer, les soignants pourront mieux établir des relations de confiance avec leurs patients et fournir un soutien émotionnelessentiel.

La gestion émotionnelle joue également un rôle essentiel dans la prise de décision clinique. Les émotions fortes peuvent nuire au jugement objectif et à la capacité d’évaluer correctement la situation médicale. En gardant un contrôle sur leurs émotions, les soignants peuvent prendre des décisions réfléchies et fondées sur des faits, garantissant ainsi des soins optimaux pour leurs patients.

Comment s’initier à cette gestion émotionnelle ?  

Gérer ses émotions est un chemin de croissance. Parvenir à une intelligence émotionnelle est un travail dans le temps que l’on peut effectuer seul, en prenant le temps d’identifier son ressenti. On peut aussi avoir besoin d’être accompagné. Les groupes de paroles peuvent être des lieux aidants pour certains. Pour d’autres, avoir recours à une écoute confidentielle peut être un moyen efficace pour avancer. Les bienfaits de l’écoute (cf article les bienfaits de l’écoute) sont nombreux et notamment sur la question des émotions. N’hésitez pas à joindre notre service THADEO.