Aides-soignant(e)s, infirmier(e)s, médecins… tout soignant se retrouve un jour ou l’autre confronté à une situation qui l’interpelle, une décision délicate à prendre, etc… Et se demande que faire ? Quelle décision prendre ? Faut-il ou non exercer sa clause de conscience ? Comment gérer un cas de conscience quand on est soignant ? Voici quelques pistes pour y voir plus clair et retrouver de la sérénité.
« Et si je n’avais pas administré le traitement, serait-il vivant aujourd’hui ? »
« C’est un vrai dilemme, je ne sais pas quoi faire… »
1. Accueillez ce que vous ressentez
Même si la situation à laquelle vous êtes confrontés est objectivement compliquée, il est essentiel de regarder ce qui se passe en vous. Il est normal de se sentir parfois perdu devant la souffrance d’un patient, l’inefficacité d’un traitement, un diagnostic difficile à faire, un soin douloureux… Ce n’est ni un échec, ni un manque de professionnalisme. Cela arrive à tous les soignants, même aux plus expérimentés ! Visiter les émotions qui surgissent en vous est la première étape pour y voir plus clair et identifier vos besoins.
S’autoriser à douter est une attitude de « sagesse soignante » par excellence. Elle va vous permettre de vous questionner et de regarder les faits. C’est la première étape indispensable. Accepter de reconnaître qu’il y a quelque chose qui ne vous convient pas, qui vous rend mal à l’aise.
« Je n’aurai pas dû faire ceci ou cela… Je me sens coupable. »
« J’ai peur de ne pas être légitime à refuser tel acte de soin. »
Pauline est infirmière libérale et prend en charge une patiente en fin de vie à domicile. Le médecin traitant a prescrit à cette femme octogénaire un anxiolytique le soir. Mais lors de son passage en soirée, Pauline ne trouve pas sa patiente angoissée et se sent très mal à l’aise par rapport à l’administration de ce traitement.
2. Faites l’état des lieux
Vous vous sentez en porte à faux par rapport à ce qui est décidé ou ce que l’on vous demande. Vous doutez de la justesse d’un protocole, d’un traitement, d’une décision. Une petite voix intérieure vous fait entendre une objection profonde : vos principes et vos valeurs sont bousculés.
« Je sais que l’acte est contre mon éthique, mes principes… mais que va penser ma direction si je ne le fais pas ? »
À ce stade, il est important de faire un état des lieux. Pour cela, les questions suivantes peuvent vous aider :
- Qu’est-ce qui me pose problème exactement ? Un traitement, une orientation thérapeutique, l’intention, un devenir, un choix de patient, etc?
- Quels valeur ou principe cela remet-il en cause ?
- Quelles sont les circonstances, le contexte ?
- Quelle est mon intuition, qu’est-ce que je ressens, et pourquoi ?
- Quelle est ma responsabilité dans la situation ? Que m’est-il demandé ?
- De quoi ai-je besoin ?
- A qui puis-je en parler, avoir un éclairage ou des conseils ?
- Que puis-je mettre en place pour faire face à mon cas de conscience ?
Quoiqu’il en soit, “ne faites pas l’autruche”. Si votre conscience vous taraude, mieux vaut regarder le problème en face. Vous éviterez regrets et culpabilité.
Jean est médecin réanimateur dans un centre hospitalier en région parisienne. À 38 ans, il est reconnu dans son service pour ses compétences et son expérience. Pourtant, Jean s’interroge parfois sur le bienfondé de certaines situations de réanimation. Et même s’il a appris à “aller de l’avant” et “passer l’éponge”, un certain malaise demeure.
Marie est interne en médecine. Durant ses études, une patiente refusait tout soin. L’équipe soignante forçait cette dernière à prendre ses traitements et faisait les soins sous la contrainte. Marie ne se sentait pas en accord avec cela.
3. Demandez un éclairage à un tiers
Face à un cas de conscience, ne restez pas seul. Partagez ce que vous vivez avec une tierce personne. Vous pouvez en parler à un collège, un ami, votre conjoint… ou à un professionnel de l’écoute, un psychothérapeute. Car les bienfaits de l’écoute sont nombreux et palpables et vous apporteront une plus grande clarté sur la situation.
La pluridisciplinarité peut vous permettre d’avoir plusieurs angles de vue sur une même situation. Ces regards multiples vont élargir votre champ de vision. De plus, devant une situation complexe, l’intelligence collective permet très souvent de trouver des solutions que nous n’aurions jamais imaginé seul.
« Je ne suis pas capable de décider seul. C’est trop lourd à porter comme responsabilité. »
Vous l’avez compris, pour gérer un cas de conscience quand on est soignant, il est essentiel de s’ouvrir à d’autres et de s’appuyer sur la force de l’équipe.
Francesco est infirmier en cancérologie. Il prend en charge une patiente pour une chimiothérapie hebdomadaire. Aujourd’hui, la patiente en phase palliative de son cancer est très asthénique et son état général s’altère de plus en plus. Francesco s’interroge sur le bien-fondé de l’administration de cette chimiothérapie ce jour au vu de son état général. Il lui semble qu’il y a plus d’inconvénients que de bénéfices pour la patiente. Il décide d’appeler l’oncologue pour lui exprimer son doute.
4. Et enfin, décidez librement !
Une fois que vous avez pris le temps de cette réflexion, c’est le moment de poser une décision qui vous correspond, vous unifie. Rappelez-vous également qu’une clause de conscience existe pour certaines professions de la santé.
Être en désaccord avec soi-même n’est ni confortable, ni souhaitable. Agir en conscience est fondamental pour pouvoir être pleinement engagé dans la responsabilité qui en découle.
Une règle d’or pour tout professionnel de santé :
rester en phase avec soi-même.
La responsabilité du soignant va de pair avec sa liberté de conscience.
*Cas de conscience :
Dans le domaine de la santé, un cas de conscience correspond généralement à une situation délicate, souvent en relation avec un patient, où la conscience du soignant ne voit pas clairement ce qui est juste sur le plan moral, peine à prendre une décision, ou bien regrette une décision déjà prise.
Un cas de conscience peut aboutir à une objection de conscience, c’est-à-dire à un refus d’accomplir un acte requis par une autorité lorsqu’il est jugé en contradiction avec ses convictions personnelles.
De plus, il existe une clause de conscience, qui est un droit reconnu à certains professionnels dans leur statut légal, permettant de s’opposer à une décision ou de ne pas accomplir un acte comportant des enjeux professionnels, personnels ou éthiques importants.
Dans le domaine de la santé, cette clause de conscience générale concerne les médecins (article R4127-47 du code de la santé publique), ainsi que les sages-femmes (article R.4127-328 du code de la santé publique) et les infirmiers (article R.4312-12 du code de la santé publique).
Dans le droit français, trois types d’actes médicaux ont des clauses de conscience particulières : l’avortement (article L2212-8 du code de la santé publique), la stérilisation à visée contraceptive (article L2123-1 du code de la santé publique) et la recherche sur l’embryon (article L2151-7-1 du code de la santé publique).