Tensions, désaccords, conflits, violentes oppositions : un vent de tempête souffle sur votre service. Vous n’êtes pas d’accord avec certains de vos collègues -médecin, infirmier(e), aide-soignant(e), cadre de santé, chef de service, brancardier, psychologue, ergothérapeute, kiné-, etc. Vous vivez un conflit d’équipe et vous ressentez une certaine animosité. La position est inconfortable. Pour gérer ce conflit entre soignants et retrouver peu à peu une certaine sérénité, voici plusieurs pistes possibles.
Comprendre quelle est la nature du conflit
Dans des conflits d’équipe, il arrive souvent que des non-dits, des ressentiments et des griefs accumulés viennent se greffer à la problématique d’origine.
Alors, les émotions prennent le dessus, les opposants se braquent sur leur position et le dialogue devient impossible.
Certains sujets sensibles sont particulièrement exposés à ce genre de désaccord. C’est par exemple le cas du planning des congés d’été et des astreintes qu’il faut fixer en équipe. Il n’est pas rare que ce soit toujours les mêmes qui acceptent de bouger leur congé ou de faire des compromis, là où d’autres, toujours les mêmes également, ne veulent jamais rien bouger.
Une première étape importante consiste donc à bien comprendre sur quoi porte l’opposition. À identifier la nature et les raisons réelles et objectives du conflit entre soignants.
Dans certains cas, l’opposition naît d’un malentendu, une incompréhension ou un quiproquo. C’est par exemple le cas lorsqu’un soignant qui croyait que sa collègue avait compris qu’il fallait faire ceci ou cela, ne l’a pas fait. Ou bien des transmissions orales qui n’ont pas été bien reçues ou la continuité des soins qui s’est mal faite. Il est alors intéressant de retracer l’historique des faits objectifs. Ensuite, vous pouvez, les uns après les autres, en vous écoutant avec respect, partager ce que vous avez voulu dire ou voulu faire, quelle a été votre intention. D’autres pourront partager la façon dont ils ont reçu et perçu ce qui a été dit ou fait. Ils pourront également dire ce qu’ils auraient aimé recevoir ou entendre. Ainsi, le “malentendu” sera enfin entendu ! et il y a de fortes chances que le conflit se dissipe.
Dans d’autres cas, vous pouvez avoir affaire à un conflit organisationnel. Ici, il peut être question de la gestion des plannings, de la répartition des tâches, de la coordination des soins ou de la polyvalence (changement trop fréquent de services de soins). Il est alors important de redire quelles sont les responsabilités de chacun. Qui fait quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Lorsqu’il s’agit d’un domaine où rien n’a été défini, il convient de déterminer ensemble quel sera le périmètre d’action et la responsabilité de chacun. Par exemple : revoir le rôle propre de chacun et les délégations qui sont parfois nécessaires. Dans certains cas, réécrire une feuille de poste permet de bien re-délimiter la fonction et la place à tenir de chacun.
Certaines fois, c’est un conflit de valeurs ou un conflit décisionnel. Par exemple, une situation où vous n’êtes pas d’accord sur la solution apportée ou encore une situation qui vous pose un cas de conscience et sur laquelle vous trouvez la décision injuste ou disproportionnée, ou encore face à la mort d’un patient où on cherche à rejeter la responsabilité sur l’un ou l’autre. D’autres fois, le conflit d’équipe a ses racines dans des relations interpersonnelles tendues, une mésentente de fond, des caractères incompatibles. Ces conflits peuvent être exacerbés avec l’accumulation de griefs ou la répétition de situations identiques.
Quelle que soit l’ampleur du conflit, la première étape est d’identifier clairement quelle est la nature de ce qui vous oppose.
Mettre des mots pour mieux gérer le conflit
Laisser le dialogue ouvert aide à exprimer ce qui fait conflit. Mettre des mots sur ce qui fâche est absolument nécessaire. Encore une fois, il convient de bien distinguer, d’un côté, les éléments objectifs, les faits indiscutables, et, de l’autre, les intentions, les attentes et les besoins de chacun. En nommant et en expliquant ce qu’on vit et ressent, on met à jour cette subjectivité qui peut nous conduire à une interprétation erronée de ce qui est vécu et être source d’incompréhension.
Quand on est parfois trop impliqué dans une relation de soin, il arrive aussi que l’on ne soit plus objectif sur notre manière de voir la situation. Il est parfois nécessaire de faire intervenir un tiers extérieur qui pourra voir la situation avec un regard plus neutre.
Pour s’écouter mutuellement, exprimez-vous en « je » plutôt qu’en « tu ». N’entrez pas dans le jeu des accusations mais au contraire, donnez toute sa place au partage de ce que chacun a vécu en vérité et sans jugement. Par exemple, il est plus profitable de dire : « Je me sens en colère parce que c’est toujours moi qui vide les poubelles en fin de service » plutôt que de dire : « Tu ne vides jamais les poubelles, c’est insupportable ! ». « Quand, tu as dit cela, je l’ai compris comme ça, j’ai ressentis tel sentiment etc. » Au fond, au lieu de chercher la vérité et avant de trouver une solution au conflit, il convient de partager la façon dont chacun vit les choses intérieurement.
Mettre des mots sur une situation de conflit est souvent inconfortable. Les émotions ne sont pas toujours aidantes et elles nous font dire ou faire des choses sur le coup de la colère. Avant de parler et de partager, il peut être aidant de prendre du recul et d’essayer de voir la situation avec de l’objectivité. Pour cela, le temps peut vous y aider. La nuit porte conseil comme l’exprime le dicton. Prendre son temps pour bien interroger ce qui est la part de colère en moi et le réel de la situation. « Qu’est-ce qui me met en colère exactement ? »
Voir le conflit sous un autre angle
Un autre élément essentiel réside dans votre propre perception du conflit. Car, même si l’unité et la cohésion de groupe sont fort(es) appréciables, les conflits sont des occasions de passer à une nouvelle étape, de grandir ensemble.
Ces crises de croissance, permettent aussi d’éclaircir des relations et de mettre au grand jour ce qui parfois gangrène depuis longtemps.
Il met également en lumière l’opinion des personnes qui prennent position.
Savoir dire : « Je ne suis pas d’accord » en pleine réunion pluridisciplinaire est une forme de loyauté et de courage car on est étiqueté comme le « gêneur », celui qui complique l’affaire. Si s’opposer aux autres n’est pas plaisant, c’est parfois nécessaire car il y des sujets sur lesquels il sera difficile de trouver un point d’entente.
Une fois le conflit résolu, il arrive parfois que les liens se resserrent et aident à mieux travailler ensemble dans une plus grande confiance collective. Un conflit résolu renforce l’esprit d’équipe, l’unité et le sentiment de faire équipe. Inutile donc, de refuser un conflit ou de l’enfouir. Quand il se présente, il faut le saisir à bras-le-corps comme étant une opportunité de croissance, pour soi, pour les autres et pour toute l’équipe de soignants.
Accepter de tenir sa position quand elle est juste
À l’hôpital, les réunions pluridisciplinaires n’amènent pas que de la concorde. Bien des situations de soins sont complexes et demandent réflexion, conseil et prudence. Certaines décisions, notamment dans le cas des patients en fin de vie dont le pronostic vital est engagé, en unité de soins palliatifs, en réanimation, en phase algique ou en situation pauci-relationnelle, mettent l’équipe soignante ou le personnel soignant en difficulté et provoquent potentiellement des conflits.
Pourtant, chacun souhaite le meilleur possible pour son patient. Et parfois, malgré tout le savoir-faire de l’équipe, cela ne se passe pas comme nous l’aurions souhaité. Des décisions ou des situations peuvent nous laisser un goût amer et nous plonger dans la culpabilité. Cependant, l’équipe aura essayé d’administrer et de dispenser tous les soins nécessaires pour privilégier le maximum de bénéfices possibles pour son patient. Cependant, l’histoire se termine parfois mal et un sentiment d’échec et d’impuissance peut envahir l’équipe soignante et créer frustrations, tensions et règlements de comptes…
Quoiqu’il arrive, le dialogue au sein de l’équipe soignante est essentiel pour assurer l’échange et la bonne compréhension de la position de l’autre et ce qui la motive.
Bien entendu, selon les cas, il est parfois possible de s’assouplir pour pouvoir poursuivre la mission en équipe, modifier sa position. Mais d’autres fois, il sera indispensable de rester ferme et de maintenir votre position en cohérence avec vos valeurs et vos convictions. Même si c’est difficile, il est essentiel de défendre ce qui vous semble juste.
Six questions à se poser pour faire le point
La vie à l’hôpital vous fait vivre une grande proximité avec vos collègues. Vous êtes amenés à vous fréquenter tous les jours ou presque, et à être ensemble tout au long de votre service. Quand le conflit apparaît, se perd avec lui, un sentiment de sécurité et d’appartenance. Vous pouvez vous sentir mis de côté avec votre désaccord. Alors comment retrouver votre sérénité ? Que faire dans cette situation de conflit dans votre équipe de soignants ?
Pour gérer les émotions que génèrent ce conflit, vous pouvez écrire ou dire ce que vous ressentez, colère, tristesse, peur… ? Quelles sont les causes du conflit ? Refaites l’histoire qui vous conduit à la situation critique dans laquelle vous vous trouvez d’aujourd’hui.
- Quelles sont les circonstances d’apparition de ce conflit ?
- Votre responsabilité en tant que soignant est-elle engagée ? Si oui, à quel niveau ?
- Comment imagineriez-vous pouvoir retrouver la concorde ?
- Qu’est-ce qui vous empêche aujourd’hui de résoudre le conflit ?
- Qu’est-ce qui vous permettrait de retrouver la sérénité aujourd’hui ?
- Combien de temps vous laissez-vous pour que ce conflit soit réglé ?
Vous pouvez prendre le temps de faire le point en vous aidant de ces questions. Mais vous pouvez aussi ressentir le besoin d’en parler à un tiers soignant qui vous écoutera sans jugement(s). Les bienfaits de l’écoute sont nombreux et il serait dommage de s’en priver.