En quelques mois, la plupart des soignants ont vu l’exercice de leur métier changer en profondeur : port du masque entravant la relation avec les patients ; multiplication des heures supplémentaires pour encaisser les vagues d’hospitalisation ; situations dramatiques et inédites ; nouvelles missions et responsabilités… Pour de nombreux professionnels de la santé, le métier de soignant est devenu “ lourd ” et difficile à exercer dans ce contexte de pandémie. Pour tenir le coup, six points d’attention peuvent aider : écouter ce que dit le corps, souffler, prendre du recul, lever le pied, oser la parole et ne pas rester seul.
Des tenues de protection qui compliquent le travail des soignants
L’une des difficultés rencontrées par les soignants est liée au port obligatoire de la tenue de protection : masque, et souvent blouse et lunettes. Cet “écran” contre le risque potentiel de contamination laisse peu d’aération, restreint la visibilité et complique la relation avec les malades. Même si le cœur du soignant reste le même, ces accessoires créent une distance. Quand le dialogue se fait “ au travers de ”, la proximité est moins tangible qu’à l’accoutumée.
En EHPAD par exemple, le port du masque altère fortement la communication avec les personnes âgées qui ont déjà une perte d’audition. Il est plus difficile de se faire reconnaître par les résidents et de parvenir à communiquer avec eux. Au quotidien, cette dégradation des conditions relationnelles, est aussi difficile à vivre pour les patients, que pour les soignants.
À ces difficultés relationnelles, il convient d’ajouter les complications strictement matérielles.
Pour de nombreux chirurgiens, médecins, infirmiers ou aides-soignants, le port permanent de cette “ combinaison intégrale ” est éprouvant. Emmitouflés dans leurs combinaisons, les personnels de santé se sentent gênés pour accomplir leur travail.
Cette tenue complique l’exécution des actes de soin. Même les gestes les plus simples prennent davantage de temps.
Un climat anxiogène difficile à supporter
Travailler en temps de pandémie peut-être anxiogène. Il peut être difficile de vivre avec cette peur permanente : « Et si, en rentrant chez moi, je contaminais mes proches, mon conjoint ou mes enfants ? ».
Revenir au travail pendant ses congés à cause des urgences, ne pas pouvoir partir en vacances… La pandémie qui se prolonge a d’importants impacts dans la vie personnelle des soignants. Cette crise sanitaire épuise à cause de sa durée. Bien que vigoureux, de nombreux professionnels de santé expriment leur lassitude et leur fatigue de devoir travailler sans avoir de visibilité, sans perspectives concernant leur avenir. Certains perdent pied et finissent même par jeter l’éponge…
Comme cette infirmière qui a décidé d’arrêter de travailler à l’hôpital durant la pandémie.
Elle ne supportait plus le stress ambiant. Elle ne voyait plus le sens du soin dans ce qui lui était demandé. Elle avait aussi peur pour ses proches.
Trop de tensions à supporter au quotidien l’ont ainsi amenée à s’arrêter, et à faire un bilan de compétences afin d’envisager une réorientation.
Des rites de deuil profondément bouleversés
Bien des soignants ont également souffert de l’absence des familles au chevet de malades. Ils ont dû prendre la place que les proches ne pouvaient plus assumer par la force des choses.
Ce double investissement de soignant et d’aidant a été particulièrement dur à vivre, notamment en réanimation où de nombreux patients sont morts seuls… Certains soignants ont reçu les dernières paroles de leur patient et ont dû se faire les messagers du patient vers sa famille…
De même, les rites du deuil ont été modifiés ne permettant pas au soignant de s’occuper des patients comme en temps ordinaire. Tous ces vécus ne sont pas anodins et ont souvent été sources de stress, de tristesse ou d’angoisse, engendrant frustration, questionnements et mal être.
Bien entendu, la situation est particulièrement difficile à vivre pour ceux qui sont en première ligne, travaillent en secteur Covid et qui voient, depuis des mois, des patients mourir du virus.
Six points d’attention pour tenir le coup et surmonter la crise sanitaire
1- Écouter le langage du corps malgré l’agitation ambiante.
- Comment est-ce que je vis au travail ?
- Comment je me sens ?
- Quelles sont mes peurs, mes frustrations ?
- Mes désillusions ? Mes déceptions ?
- Qu’en dit mon corps ?
2-Souffler.
Avant d’être soignant, vous êtes cet homme ou cette femme ayant des besoins fondamentaux à respecter. Vous avez une vie personnelle avec des projets et des essentiels qui vous équilibrent et que votre métier n’a pas à écraser, même en temps de crise. La charge de travail actuelle ne légitime pas que vous deveniez des techniciens du soin à répétition ! Protégez votre personne et oxygénez-vous l’esprit et le corps. Une autre vie existe que celle de l’hôpital.
3- Prendre du recul.
Faire un retour sur ce que l’on vit est un moyen efficace pour éviter la saturation. Faites une pause pour interroger vos motivations, ce qui vous porte dans votre travail, ce qui lui donne du sens et ce qui vous a aussi fait choisir d’être soignant peut-être moteur de votre engagement au fil des jours. Cela peut vous aider à garder le cap malgré toutes les difficultés présentes que vous rencontrez dans cette période troublée.
4- Lever le pied.
N’ayez pas peur de dire à votre manager que l’on vous en demande trop et que vous ne vous sentez pas en sécurité. Soyez attentif aux glissements de tâches et aux dérives progressives… Même en temps de crise, vous n’avez pas à accepter tout et n’importe quoi. Le dépassement de vos tâches n’est pas un service que vous vous rendez à vous-même. Le premier dont vous devez prendre soin, c’est vous !
5- Oser la parole
Oser la parole pour faire le point sur ce que vous vivez durant cette crise sanitaire. Parler peut-être libérateur. Verbaliser aide à prendre du recul et à mieux prendre conscience de ce que l’on vit. Mettre des mots permet de poser des gardes fous. Dans cette période où l’on ne peut guère se distraire par des loisirs extérieurs, communiquer est fondamental.
6- Ne pas s’isoler.
Si vous encaissez les coups durs depuis plusieurs mois, soyez vigilant à ne pas vous replier sur vous-même en ce temps de crise. Serrer les poings en attendant que la crise passe n’est pas une posture durable.