Dans les coulisses du métier de psychologue

Anaïs lève le voile sur la réalité quotidienne du métier de psychologue

Dans cet entretien, Anaïs lève le voile sur la réalité quotidienne du métier de psychologue, un domaine aussi mystérieux qu’essentiel. Elle discute ouvertement des joies et des peines de sa profession et plus largement de l’évolution des métiers du soin tout en donnant quelques bons conseils aux soignants.

Quel a été votre parcours jusqu’à votre poste actuel ?

J’ai été diplômé d’une licence de psychologie en 2016 à la Catho de Lyon, puis j’ai obtenu un master en psychanalyse à Aix-Marseille. J’ai commencé par des remplacements en CMP pour les enfants, puis en ESAT avec des personnes atteintes de handicaps mentaux ou psychologiques. J’ai ensuite travaillé auprès d’adolescents ayant des troubles de l’alimentation.
Depuis 4 ans, je travaille en EHPAD trois jours par semaine et j’exerce en tant que libéral un jour et demi par semaine. L’EHPAD comprend 80 résidents, et un PASA : un pôle d’activité et de soins adaptés.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le métier de psychologue ?

Je pense que cela vient de mon histoire personnelle. Mes parents souffraient de dépression et j’ai eu très vite à cœur de les « soigner ». Je trouve passionnant de pouvoir accompagner les personnes qui sont entravées dans leur vie par de grosses pierres qui les empêchent d’avancer et de s’épanouir. Aider les personnes à franchir les obstacles pour enfin s’épanouir est une mission magnifique ! Il n’est jamais trop tard pour réparer, changer, faire son chemin et s’épanouir !

Accompagner des personnes âgées me plaît car la fin de vie pose question : comment puis-je bien finir ma vie ? J’aime accompagner des familles en souffrance. La fin de vie est un moment de vérité car beaucoup de choses se jouent et se révèlent : réconciliation, cheminement, relations parents/enfants qui évoluent. Permettre l’expression de tout cela est important pour améliorer les relations.

Qu’appréciez-vous particulièrement dans votre métier aujourd’hui ?

Je trouve très touchante la confiance des personnes qui se confient à nous. Être comme le dépositaire d’histoires de familles qui se dévoilent. Les personnes âgées m’apportent beaucoup sur leur époque et leur manière de voir le monde. On grandit mutuellement.

Quels conseils donneriez-vous à un psychologue qui débute sa carrière ?

J’accompagne régulièrement des stagiaires et je leur donne généralement les conseils suivants :

  • Faire soi-même une thérapie.
  • Connaître ses failles et reconnaître ses limites pour bien accompagner les patients.
  • Être supervisé car cela aide à prendre la bonne distance en nous posant les bonnes questions.
  • Avoir des objectifs raisonnables car on a souvent beaucoup de rêves au début de notre carrière et on peut se brûler les ailes. Il y a des compromis à trouver.
  • Être sur le terrain pour se rapprocher des équipes, par exemple en prenant le café avec ses collègues. Faire le premier pas est important pour être bien accepté et pouvoir travailler ensemble.

Personnellement, les soignants m’ont aidé à me positionner et à trouver la bonne posture. J’ai beaucoup appris avec eux et ils peuvent aussi apprendre de moi. C’est un échange de bons procédés ! On apprend les uns des autres !

Avec votre regard de psychologue, quel est selon vous l’état actuel des équipes soignantes ?

Depuis le Covid, beaucoup de soignants sont désabusés. Il y a une perte de sens et un absentéisme en hausse. La santé se bureaucratise beaucoup avec des protocoles à rallonge, de plus en plus de tableaux à remplir, ce qui entraîne une perte croissante de lien avec le patient. Les soignants se démotivent et le moral est un peu sapé…

Que conseillez-vous à un psychologue pour se sentir mieux ?

  • Faire équipe.
  • Se parler.
  • Apprendre à passer la main.
  • Reconnaître ses limites.
  • Reconnaître son besoin d’être reconnu dans ce que l’on fait.
  • Exprimer ses émotions.
  • Trainer dans les couloirs.
  • Prendre le temps de souffler entre chaque consultation.
  • Avoir un sas entre chaque patient pour reprendre son souffle.

Qu’est-ce qui vous inquiète pour les soignants de demain ?

Je remarque que nous avons de plus en plus de soignants démotivés qui font des contrats courts et qui, au premier souci, s’en vont car ils veulent du confort. Ils sont habités par moins de passion. On assiste à un grand roulement des équipes et à une perte de sens. Il est essentiel que les soignants soient entendus et qu’ils soient valorisés par leur cadre. Ces derniers doivent maintenir la flamme de chacun et parfois permettre de la raviver.

Il est important de débuter les réunions par ce qui va bien plutôt que par ce qui ne va pas. Si les soignants sont juste des personnes qui font les toilettes et donnent à manger, c’est sûr qu’ils viennent au travail sans motivation et perdent le sens de leur métier. Pour aimer ce qu’il fait et le faire bien, il est bon qu’un soignant ait un projet personnel.

Qu’est-ce qui vous aide à traverser les moments difficiles de votre métier ?

J’ai déjà été en porte-à-faux avec des décisions institutionnelles où je ne me sentais pas en phase avec mon éthique et mes valeurs. Vivre cela est très difficile. Faire appel à un tiers comme une équipe mobile, par exemple, est très précieux. C’est important de se sentir soutenu et de pouvoir demander conseil pour retrouver confiance dans ce que l’on fait. Cela valorise et aide à traverser certaines situations de soins complexes à gérer et qui peuvent nous atteindre. Cela m’a revalorisé. Il faut pouvoir prendre appui sur des tiers quand la situation est bloquée.

Quel message aimeriez-vous donner aux psychologues ?

Osez la vraie rencontre, osez prendre le temps pour éviter de mettre une étiquette sur la personne. Il est important de ne pas agir trop vite. Nous avons la chance d’avoir un métier qui n’exige pas trop de rendement. En cela, nous sommes épargnés.

On peut apporter de la nuance et prendre le temps de réfléchir et de faire réfléchir les équipes. Nous avons une vision du temps long où il est permis de ralentir, de s’arrêter pour mieux analyser ce qui se passe.

Il est essentiel, lors d’un bilan sur un patient, de prendre le temps de faire son compte rendu et de peser le poids des mots. Cela évite que les équipes n’enferment la personne dans une étiquette réductrice. Comprendre vraiment une personne et son histoire nécessite plus qu’un simple entretien. Construire un lien privilégié avec un patient implique souvent de le rencontrer à plusieurs reprises, d’aborder des sujets variés comme la pluie et le beau temps, et de favoriser une confiance mutuelle. Il n’est aisé pour personne de se confier, ce qui requiert d’un psychologue d’entrer à petits pas dans l’univers et la culture de son patient. Cela se fait très progressivement !