Pourquoi être médecin ? Confidences d’un médecin engagé

Le Dr Olivier Trédan est expert en cancérologie gynécologique, directeur d’un laboratoire de recherche qui travaille sur les mécanismes de résistance au traitement du cancer, et également médecin référent pour notre service Thadéo d’écoute des soignants. Dans cet entretien sincère et profond, il raconte pourquoi être médecin, partage son parcours, sa passion pour son métier, ses motivations et les défis auxquels il fait face.
Docteur Olivier Trédan Cancérologue et chercheur, Médecin coordinateur du service Thadeo

Pourquoi être médecin ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier ?

Mon intérêt pour la médecine est né d’un désir profond d’apporter du soutien à ceux confrontés à des défis de santé majeurs. Cette passion pour l’humain m’a dirigé vers la médecine en générale puis vers une spécialisation plus pointue en cancérologie. Pendant mes années en tant qu’étudiant en médecine, un stage en cancérologie a été décisif. Là, j’ai découvert le lien exceptionnellement profond qui peut unir le médecin au patient. Se trouver au cœur des moments les plus critiques, oscillant entre la vie et la mort, m’a profondément marqué.

Mon rôle en tant que médecin ne se limite pas seulement à lutter contre le cancer, mais également à prendre en charge les symptômes, soulager la souffrance des patients et prendre soin de la personne dans sa globalité : écouter attentivement, comprendre les défis émotionnels et physiques qu’ils affrontent, leur fournir un accompagnement continu tout au long de leur lutte contre la maladie.

Qu’est ce qui vous a conduit vers la recherche en cancérologie

Je me suis orienté vers la recherche en cancérologie car c’est un domaine où de nouveaux traitements et concepts émergent constamment. Cet accès à l’innovation me permet de donner rapidement aux patients l’accès à un nouveau traitement, une nouvelle stratégie, de nouvelles molécules. Cela me permet de mieux soigner et prendre en charge les patients, lutter le plus efficacement contre le cancer. Et au final de donner le maximum de chance au patient de guérir, ou bien de vivre le plus longtemps possible avec leur cancer.

Consultation médicale par le Dr Olivier Trédan

Pourquoi être médecin est un métier particulièrement appréciable pour vous ?

Pour la profondeur des relations humaines avec les patients et les échanges avec d’autres chercheurs pour mieux comprendre et traiter le cancer. Ces interactions enrichissent mon quotidien et renforcent mon rôle en tant que médecin et chercheur.

Finalement, quand vous rencontrez un patient,
il vous confie sa vie …

Les patients atteints de cancer viennent avec l’espoir de guérir, conscients que leur vie est en jeu. En tant que cancérologue, mon rôle est double : lutter pour guérir le cancer et soulager leurs souffrances physiques et psychologiques. Je m’engage à accompagner les patients tout au long de leur maladie, du diagnostic jusqu’à la rémission, ou jusqu’à la fin de leur vie en l’absence de rémission.

Les patients me confient leur vie. C’est une relation intense et riche émotionnellement liée au risque pour leur vie. Ils me confient parfois une tranche de vie, leurs problèmes personnels, familiaux, sociaux, professionnels, font des confidences que je dois accompagner aussi. C’est une prise en charge globale du patient dans toutes ses dimensions. On ne traite pas un cancer mais une personne qui a un cancer et dont le cancer a bouleversé sa vie dans toutes ses dimensions.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune médecin ?

Cultiver le bien être du médecin, du soignant, Docteur Olivier Trédan o trédan photo3 1000

En tant que médecin généraliste ou médecin spécialiste, la vocation première est de soigner et de prendre soin des patients. Cependant, la capacité de « prendre soin » varie. Tous les professionnels de santé, y compris les étudiants en médecine, ne sont pas prédestinés à gérer une souffrance intense. Evaluer sa capacité à accompagner la souffrance est crucial pendant les études de médecine. Cette aptitude, qui relève d’un talent ou d’un don, est essentielle pour les praticiens car la relation entre un médecin et un patient souffrant implique une charge émotionnelle forte. Durant les années d’étude, il est important d’apprendre à gérer ses émotions, quand on veut devenir soignant. Il me semble important de discerner si on s’en sent capable.

Qu’est-ce qui vous inquiète concernant l’avenir des soignants ?

La solitude du soignant est un vrai problème, surtout dans les déserts médicaux où les médecins se retrouvent souvent seuls. Gérer la pression émotionnelle tout seul, même pour les plus capables, n’est pas viable à long terme. Il est compliqué de fournir un soutien adéquat à ces soignants isolés. D’un autre côté, concentrer toutes les ressources médicales dans les grandes villes n’est pas la solution non plus. La difficulté de bien répartir les jeunes médecins entre villes et campagnes a un impact profond sur la qualité des soins apportés aux patients et, par extension, sur la société dans son ensemble.

Qu’est-ce qui vous aide à traverser les moments difficiles de votre métier ?

Avoir des temps de respiration. Personnellement, ce sont les moments en famille et mes engagements associatifs. Un médecin qui côtoie la souffrance doit avoir régulièrement des moments dans la semaine où il peut se ressourcer, penser à autre chose. Ça peut être dans le domaine de la culture, la spiritualité, l’associatif… Avoir des moments où on est complètement en dehors du soin, éloigné de l’hôpital et des patients. Il est essentiel de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Quel message aimeriez-vous donner aux soignants ?

Passez tous du temps à faire autre chose que de vous occuper de vos patients. Prenez de vrais moments de qualité en famille, avec des amis, dans des activités culturelles, sportives, associatives. Sachez vous éloigner de la souffrance. Il ne s’agit pas de se “blinder” mais plutôt de faire la part des choses entre son métier où on prend soin du souffrant et sa vie personnelle où l’on prend soin de soi.

Medecin accompagnant un malade

Vous êtes médecin référent pour le service Thadeo. Pourquoi cet engagement ?

La mission principale de Thadeo est de soutenir ceux dont le rôle est d’accompagner les souffrants. C’est un lieu dédié à l’écoute des soignants, un espace pour prendre une pause, réfléchir aux défis et aux responsabilités de nos rôles dans le domaine de la santé, et prendre du recul pour considérer les questions cruciales qui peuvent alléger nos propres souffrances. En prenant le temps de cette réflexion, nous apprenons à équilibrer notre vie et nos responsabilités. L’objectif est de ne plus simplement endurer le rôle de soignant, mais de devenir un acteur proactif. Il s’agit d’équilibrer notre vie professionnelle et personnelle, et d’accorder du temps à notre propre bien-être afin d’être des soignants plus attentifs.

Paroles recueillies par Isabelle Dacre-Wright