
Anne Join-Lambert est infirmière depuis plus de 15 ans. Quels sont ses conseils ? Les pièges à éviter ? Ce qui la rend heureuse dans son travail ? Elle répond sans filtre et sans tabous aux questions essentielles sur le métier d’infirmière.
Quel a été votre parcours d’infirmière jusqu’à aujourd’hui ?
Je suis diplômée depuis 2008 et j’ai travaillé 7 ans à l’hôpital militaire de Lyon : 3 ans en cancérologie, 3 ans en psychiatrie, 1 an en endoscopie. J’ai eu la chance de partir en opération extérieure en Afghanistan en 2011. Après un déménagement, j’ai fait des remplacements ponctuels pendant 2 ans dans un centre de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR) en Normandie : médecine, rééducation, gériatrie.
Quels sont vos conseils pour bien vivre le métier d’infirmière ?
Être sensible est une force, elle permet de rejoindre les autres, de sentir une ambiance, d’être proche des personnes. Elle peut être aussi une difficulté dans notre métier quand la charge émotionnelle est trop lourde. C’est important en tout cas de la reconnaitre et de la travailler. Pour m’aider, je m’appuie sur l’équipe et sur les soins que j’ai à donner, le programme de la journée etc.
Nous avons à gérer une foule de choses ! Il est donc essentiel d’avoir chaque jour, un cadre et un programme le plus clair possible, un plan des soins à donner… Pour cela, le travail de l’infirmière coordinatrice et les temps en équipe sont essentiels.
Il est important de ne pas se contenter de ses acquis et entretenir sa curiosité professionnelle en se questionnant et se formant pour évoluer dans son métier.
Et enfin, Communiquer, communiquer, communiquer ! Il me semble que la plupart des problèmes au travail vient d’un manque de communication, créant des malentendus. Dire les choses quand cela ne va pas et faire préciser la pensée de l’autre sont des éléments clés pour éviter les erreurs et les conflits.
Tous ces éléments réunis m’ont permis de vivre mes plus belles années d’infirmière !
C’est possible même si cela n’a pas toujours facile.
Qu’est-ce qui selon vous rend un soignant heureux et épanoui ?
Cela dépend des soignants bien entendu. Personnellement, voilà ce qui me rend heureuse dans mon travail :
Passer du temps avec la personne malade dont je dois m’occuper.
C’est un réel souci au vu du contexte actuel car il faut vraiment apprendre à gérer le manque de temps quand on est soignant. Y parvenir peut beaucoup apporter !
Le quotidien change tout le temps. Du coup, on n’a pas de lassitude, de répétition, de sentiment de routine : c’est très dynamisant et enthousiasmant.
C’est un chemin de changement que d’être soignant. On évolue dans sa vie du fait des patients et des situations dont on est témoin. On apprend des choses sur la vie au gré des confidences, des douleurs, des rencontres etc…
Témoin de la résilience humaine, on voit l’homme face à la maladie. On ne peut pas rester indifférent.
La force de l’être humain pour vivre et lutter contre la maladie est extraordinaire. Cela me marque et me touche !

Et ce qui, au contraire, rend le métier d’infirmière difficile ?
Les jours où j’ai l’impression que c’est la routine, lorsque je n’apprends plus, quand il y a des tensions ou des conflits d’équipe. Mais ce qui est surtout le plus compliqué à gérer, c’est le contexte actuel qui crée des mauvaises conditions de travail, rendant notre métier de plus en plus éprouvant. Ces difficultés ne sont pas que d’ordre matériel, elles sont aussi liées aux différents changements sociétaux qui influent sur la relation soignant/soigné.
Quels sont les pièges que le soignant doit éviter ?
- Être trop dans l’attente de reconnaissance
- Ne pas avoir la bonne distance avec le patient. Attention aux situations miroirs !
- Le surmenage
- Se croire indispensable
- Se laisser dominer par le stress.
Quels conseils donneriez-vous à une infirmière
qui débute sa carrière ?
Je lui conseillerai d’avoir une curiosité intellectuelle, de toujours essayer de comprendre pourquoi elle fait les choses, pourquoi elle fait tel ou tel soin…
- Poser des questions aux médecins, aux collègues, faire son travail avec cœur et intérêt… Cela fera d’elle une infirmière fiable et sur qui on peut compter. Elle aura toute sa place dans son service.
- Être dans l’entraide et éviter tout esprit de compétition.
- Faire confiance aux malades et à sa famille. Être vigilant à bien rester à sa place de soignant en étant attentif à la parole du patient.
Quel est votre plus grand rêve pour les soignants de demain ?
Que chacun puisse travailler dans une équipe où tout le monde est dans la même dynamique de soin, d’entraide et d’esprit d’équipe. Lorsqu’ensemble, on est tous tournés vers le même but, cela donne des ailes, et aide à dépasser les difficultés même si les conditions de travail sont rudes.
Le travail en équipe, c’est la grande force de notre métier !
Pouvez-vous nous raconter comment et pourquoi vous êtes devenue infirmière ?
Mes parents sont tous les deux médecins. Mon père est médecin généraliste et son travail était au cœur de notre famille. Il nous partageait ce qu’il vivait et cela m’a donné envie. J’ai toujours été intéressée par la complexité de l’être humain, tant au niveau physique que psychologique. J’ai toujours été touchée par la souffrance des autres. À vrai dire, la relation d’aide est quelque chose d’assez naturel pour moi.
Par ailleurs, j’ai expérimenté l’hôpital en tant que patiente. Cela a été un atout pour mieux comprendre ce que les malades vivaient.
C’est pour ces raisons entre autres que j’ai choisi le métier d’infirmière.
Le métier d’infirmière est magnifique. Encourageons-nous et soutenons-nous pour continuer à le vivre avec cœur et enthousiasme, les patients en ont besoin !