Avec le manque de personnel soignant qui est grandissant, le manque de temps n’épargne plus aucun professionnel de la santé. Vous êtes sans doute concerné(s) par cette difficulté en tant que soignant. Les journées où vous ne parvenez pas à aller au bout de ce que vous avez à faire sont trop fréquentes. Vous avez l’impression que la qualité des soins prodigués et la relation aux patients en pâtissent. Voici quelques pistes concrètes pour la gestion du temps, pour redevenir maitre de son temps et mieux vivre le présent.
Quand le manque de temps vous transforme en “distributeur de soins”
C’est une souffrance que de vouloir mais de ne pas pouvoir, au détour d’une chambre, prendre un peu de temps auprès d’un patient qui a besoin de présence et d’écoute. En tant que soignant, peut-être vous sentez-vous en difficulté à force d’être soumis à des cadences de travail de plus en plus rapides, ou bien vous faites face à un sentiment de solitude de plus en plus important. Vous n’avez que deux bras et un cœur pour soigner les malades !
La dimension technique des soins peut prendre trop de place et absorber votre temps. À force de courir, vous êtes capable(s) de réaliser dans des délais extrêmement courts, des gestes techniques nécessitant beaucoup de minutie et d’attention. Vous avez parfois l’impression d’être un “distributeur de soins” alors que vous aimeriez pouvoir davantage vivre la relation d’aide. Le sentiment de culpabilité finit par vous submerger.
Le manque de temps peut vous mettre sous tension et vous épuiser. Vous risquez d’encaisser sans rien dire alors que votre corps dit « stop ».
« A l’impossible, nul n’est tenu ».
Bien des équipes de soignants se trouvent en sous-effectif dans leurs unités et doivent pallier le manque en faisant toujours plus avec toujours moins de moyens humains ou matériels. Cela peut engendrer des conflits d’équipe.
Cette tension constante crée un mal-être et empêche une bonne gestion du temps de travail. De plus, le risque de devenir un robot soignant n’est pas loin. Il n’est pas bon de travailler en mode automatique, perfuser à tour de bras, faire des pansements le plus vite possible ou bien transfuser en augmentant les débits, ce qui peut mettre les patients en danger.
Si le soin technique peut se perfectionner et se réaliser avec beaucoup de dextérité au fil du temps, la relation humaine, elle, ne s’améliore pas avec la vitesse. Prendre de vitesse la relation, c’est risquer la maltraitance et passer à côté de la mission soignante d’accompagnement.
Une infirmière témoigne de son histoire : « Sortie du DE, j’ai débuté ma carrière dans un service de soins de suite et réadaptation gériatrique. Le service comprenait 35 lits. Certains jours, notamment le week-end, j’étais la seule infirmière pour tout le service. Je me souviens avoir fait une quinzaine de prises de sang en une heure, tout en prenant les transmissions de l’équipe de nuit, en relevant l’ensemble de mes soins du jour, en préparant certains patients pour un examen et parfois, gérant la chute d’un patient tombé à terre au matin… Ce qui m’était demandé était impossible à faire pour une personne seule. Je me suis fatiguée durant des mois à exécuter toutes ces tâches dans le timing serré favorisant la quantité sur la qualité des soins. Je n’ai pas pu continuer à ce rythme car comme dit l’adage : « à l’impossible nul n’est tenu ». J’ai pu en parler avec ma cadre de santé et comprendre que je ne pouvais pas dans ce contexte, vivre la relation d’aide si importante pour moi dans l’exercice de ma profession. J’ai alors décidé de changer de service. J’ai découvert une spécialité qui m’a mieux correspondu et dans laquelle je m’épanouis aujourd’hui. »
Quatre signes qui doivent vous alerter
Ces signes ne sont pas à prendre à la légère. Ils doivent alerter celui qui les remarque.
- Vous n’avez pas eu le temps de manger, de boire ou d’aller aux toilettes pendant votre journée de travail.
- Quand vous quittez votre service, vous vous sentez systématiquement épuisé, énervé ou anxieux. Ces sentiments ne sont pas à mettre de côté car ils indiquent que vous avez atteint vos limites.
- Vous avez de plus en plus de mal à quitter votre travail. Et une fois chez vous, vous trouvez très difficilement le sommeil.
- Il vous arrive régulièrement d’éclater en sanglots après avoir accumulé trop de pression(s) pendant la journée.
Ces signes ne sont pas à prendre à la légère. Ils doivent alerter celui qui les remarque.
Face au manque de temps : 10 questions pour identifier vos besoins
Pour sortir de ce qui vous semble être un engrenage, il peut être aidant d’identifier très clairement ce qui vous manque.
Pour cela, n’hésitez pas à écrire noir sur blanc ce que vous ressentez et ce dont vous avez besoin. Le simple fait d’écrire est déjà en soi, un premier pas pour aller mieux. Dans la mesure du possible, tâchez d’être précis et complet.
Voici quelques questions auxquelles vous pouvez répondre :
- De quoi avez-vous besoin pour vous sentir mieux après votre temps de travail ?
- Pouvez-vous déléguer certains soins ?
- Est-ce que prendre plus de temps pour faire certains soins vous aiderait ? Si oui, quels soins et à quel rythme ?
- Qu’est-ce qui pourrait “alléger” votre journée de travail ?
- Vous autorisez-vous à dire « non » ?
- Partagez-vous vos difficultés avec vos collègues ?
- Vous permettez-vous de demander de l’aide ?
- Avez-vous des rituels dans votre travail, des habitudes qui vous aident ? Lesquelles ?
- Planifiez-vous votre travail avant de débuter vos soins ?
- Savez-vous hiérarchiser vos soins ?
Prendre du temps pour soi
Le métier de soignant vous engage en tant que personne. Pas seulement dans votre savoir-faire, mais également dans votre savoir-être, votre posture, votre rapport à vous-même et aux autres.
Apprendre à gérer votre temps, c’est prendre soin de vous-même pour pouvoir être opérationnel dans une temporalité qui vous convienne. »
Devenir un bon gestionnaire de votre temps de travail, c’est y intégrer un espace « nursing » pour vous-même. C’est trouver ce qui est nécessaire à votre bien-être au travail. C’est aussi trouver le bon équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le premier respect à avoir est envers soi-même.